Ave Juliobona ! Commerce, gladiature, fêtes romaines…
Durant l’Antiquité, la ville romaine de Lillebonne, nommée Juliobona, était un site stratégique. Cet édifice antique de spectacle, seul vestige de cette période actuellement visible à Lillebonne,est l’un des plus grands et mieux conservés du Nord de la France.
Le « théâtre » romain de Lillebonne, identifié en 1764 par le comte de Caylus, a été acquis par le Conseil général de la Seine- Maritime en 1818. Dégagé entre 1822 et 1840, il a été classé parmi les Monuments historiques en 1840. Ce monument de spectacle constitué de structures concentriques et radiales présente la particularité d’associer une arène et un bâtiment de scène. Trois époques de construction sont actuellement lisibles dans les vestiges. Les dernières campagnes de fouilles réalisées de 2007 à 2010 dans les zones est et sud de l’édifice ont permis d’identifier en partie les deux derniers états et de dater leur construction.
La ville normande de Lillebonne, située à proximité de l’embouchure de la Seine, a succédé à la ville romaine de Juliobona, capitale de la civitas du peuple des Calètes, sur les ruines de laquelle elle a été construite.
Au lendemain de la pacification de la Gaule, les Calètes choisissent d’implanter leur capitale Juliobona sur un nœud de communication stratégique pour le commerce à destination de la Britannia (Grande-Bretagne actuelle), du centre de la Gaule par la Seine, ou vers des peuples du Sud par sa position sur le dernier passage de traversée du fleuve. La qualité des vestiges antiques retrouvés sur le site est révélatrice de l’importance et de la prospérité de la ville pendant les trois premiers siècles de notre ère.
Le théâtre de Lillebonne témoigne de cette grandeur. Ce monument, redécouvert au début du XIXe siècle, a connu de multiples vicissitudes historiques et architecturales qui rendent son analyse particulièrement complexe.
Pourtant son importance a été relevée par tous ceux qui s’y sont intéressés, notamment d’un point de vue monumental, puisqu’il s’agit de l’un des édifices antiques de spectacle les plus étendus et les mieux conservés du Nord de la France.
On retrouve plusieurs mentions du site dans divers documents de la période médiévale et moderne. Mais c’est au milieu du XVIIIe siècle qu’a lieu la première identification du théâtre antique de Lillebonne par le Comte de Caylus.
Durant toute la première moitié du XIXe siècle, de 1812 à 1841, des campagnes de fouilles se succèdent pour mettre au jour les vestiges du monument. Elles se déroulent selon le même mode de fonctionnement : déblaiement des structures pour permettre une vision d’ensemble, évacuation des terres et des débris, conservation des pierres sculptées et des objets, vente des pierres et des moellons non décorés.
La deuxième moitié du XIXe siècle est marquée par un abandon du monument. Le déblaiement est alors à peu près terminé, à l’exception de la scène que sa situation sous la route départementale rend inaccessible.
A partir de 1906 et jusqu’en 1974, des campagnes de fouilles et de restauration se succèdent par intermittence.
À la fin du XXe siècle, la fermeture du monument au public était devenue indispensable, les intempéries, le développement de la végétation, l’usure du temps ainsi que des interventions de restauration parfois mal adaptées ayant rendu ses structures dangereuses.
Pour remédier à cette situation, un programme d’étude en vue de sa restauration et de sa mise en valeur a été initié par le Conseil général de Seine- Maritime à partir de 2001 : étude préliminaire de l’état sanitaire du monument, relevé topographique précis des structures, étude documentaire des sources d’archives décrivant l’ensemble des découvertes et des travaux intervenus sur le site des origines à l’an 2000. En effet, les interventions de dégagement et de fouilles ponctuelles des deux derniers siècles ont modifié beaucoup d’informations dont les archives seules conservent les traces. Leur analyse préliminaire était donc indispensable à la compréhension des données de terrain issues des nouvelles campagnes de fouilles initiées à partir de 2007.
Aujourd’hui, l’édifice de spectacle de Lillebonne présente la composition suivante : une galerie périphérique qui gère les accès et la distribution interne, l’hémicycle des gradins (cavea) et une arène. Le monument possède également un bâtiment de scène, situé sous la route départementale, qui n’a jamais été fouillé.
Trois types de structures portantes peuvent être identifiés : les murs concentriques, présents essentiellement dans la galerie périphérique et dans l’arène, les murs rayonnants de la cavea, les remblais structurels artificiels (aggestus).
Le monument adapte la pente naturelle de la colline du Toupin sur laquelle elle s’appuie, créant une orientation idéale de l’axe cavea-arène-bâtiment de scène, de direction sud-nord, permettant une exploitation optimale de l’éclairage solaire.
Dans la partie inférieure de l’hémicycle, l’ima et la media cavea sont directement adossées à la déclivité du terrain, tandis que sa partie haute (summa cavea) est édifiée avec des murs et des remblais (aggestus) fondés sur le sommet de la colline dont elle prolonge la pente artificiellement. Le monument était complété par la colonnade de la porticus in summa cavea qui couvrait la galerie périphérique. Les vestiges situés à l’extrémité supérieure de la cavea se trouvent aujourd’hui à 19 m au dessus du niveau de sol de l’arène.
La cavea est une partie du théâtre romain qui se trouve en hauteur, sur une pente, et qui servait de gradin pour les spectateurs.
Elle était divisée en plusieurs parties, qui étaient séparées les unes des autres par des escaliers et des passages. Les parties les plus hautes de la cavea (summa caeva) étaient réservées aux personnes les plus aisées ou les plus éminentes de la société romaine, comme les patriciens ou les membres du Sénat. Les parties inférieures (ima caeva) étaient destinées aux personnes moins aisées.
La cavea était généralement construite en gradins, de sorte que tous les spectateurs pouvaient avoir une vue dégagée sur la scène. Elle pouvait accueillir jusqu’à plusieurs milliers de spectateurs, selon la taille du théâtre. La cavea était un lieu central de la vie sociale et culturelle de la cité romaine, et elle était fréquemment utilisée pour des spectacles de théâtre, des concerts, des discours politiques et d’autres événements publics.
La summa cavea est une partie du théâtre romain qui se trouve au sommet de la cavea, c’est-à-dire les gradins où se trouvaient les spectateurs. La summa cavea était généralement réservée aux personnes les plus aisées ou les plus éminentes de la société romaine, comme les patriciens ou les membres du Sénat. Elle était souvent surélevée par rapport aux autres gradins afin de permettre aux spectateurs de mieux voir la scène.
La summa cavea était également souvent décorée de manière plus somptueuse que les autres parties du théâtre, avec des colonnes et des statues pour en souligner la grandeur et l’importance. Dans certains théâtres, il y avait également des loges privées dans la summa cavea, où les spectateurs les plus riches pouvaient assister aux spectacles en toute intimité.
L’ima cavea est la partie du théâtre romain qui se trouve au niveau de la scène, en contrebas de la cavea (les gradins où se trouvaient les spectateurs). Elle était généralement réservée aux acteurs et aux artistes qui se produisaient sur scène, ainsi qu’aux musiciens et aux chanteurs.
La scène elle-même se trouvait à l’avant de l’ima cavea, et était séparée de la cavea par l’orchestra, une zone circulaire où se trouvaient souvent les musiciens et les chanteurs. Derrière la scène, il y avait souvent des loges et des coulisses où les acteurs et les artistes se préparaient et se maquillaient avant de monter sur scène.
L’ima cavea était également le lieu où avaient lieu les cérémonies et les discours publics, comme les discours politiques ou les allocutions des magistrats. Elle était donc un espace central de la vie sociale et culturelle de la cité romaine.
L’ima cavea suit la forme de l’arène, ellipsoïdale au sud et circulaire au nord. La summa cavea, parfaitement circulaire au sud, devient rectiligne à l’est et à l’ouest, sur les côtés du bâtiment de scène. Le passage à un tracé rectiligne se produit à proximité des deux entrées axiales est et ouest.
La façade postérieure de la scène ou postscaenium et les entrées principales situées de part et d’autre de la scène au nord du complexe sont tournées vers la ville antique. En revanche, les accès à la galerie périphérique desservent l’extérieur du centre urbain.
D’après les mesures prises à partir de l’extérieur du mur périmétral, à l’exception des contreforts, les dimensions générales de l’édifice de spectacle de Lillebonne sont de 106,50 m le long du grand axe est-ouest, soit 360 pieds romains.
Les mesures du petit axe sud-nord ne peuvent pas encore être connues avec précision, en l’absence des mesures exactes du bâtiment de scène, non fouillé. Cependant, les sondages et les observations faites par le passé dans cette partie de l’édifice permettent de proposer une mesure de 94,70 m (320 pieds romains).
Les dimensions de l’arène sont pour le petit axe sud-nord de 35,50 m environ (120 pieds romains). Pour le grand axe est-ouest, on peut restituer une mesure de 47,30m (160 pieds romains).
Depuis la limite de l’arène, la scène semble s’étendre au nord sur environ 13m, soit l’équivalent du tiers de la place Félix Faure.